Le Club de l’OURS a reçu jeudi 26 mars 2015

Bruno Cabut – Président de l’UPA (Union professionnelle des artisans)

sur le thème

« Evolution et nouveaux défis pour l’Artisanat »

 

Comment l’artisanat peut-il s’adapter aux transformations actuelles ? A-t-il encore un avenir face aux transformations techniques, aux nouveaux modes de consommations et aux grandes enseignes qui essaient maintenant de s’approprier l’économie de proximité après avoir contribué à son affaiblissement ?

Poids économique de l’artisanat

Pour en cerner le poids économique, tentons de brosser un paysage rapide des entreprises artisanales et de l’économie de proximité que l’UPA Rhône-Alpes représente. Ce sont plus de 130 000 entreprises inscrites aux répertoires des Chambres de Métiers et de l’Artisanat départementales, ainsi que les entreprises de l’hôtellerie/restauration. Elles regroupent près de 400 000 actifs et la moitié des apprentis de la région. La moitié d’entre elles n’a pas de salarié et la taille moyenne de l’autre moitié est comprise entre 3 et 5 salariés. Ces entreprises représentent donc le tissu de TPE, « force économique de la France » selon l’expression de Yves Chavent président du tribunal de commerce de Lyon. Rien que pour le bâtiment, avec près de 50 000 entreprises, elles représentent 98% des entreprises de la branche et 8,55 milliards de CA. A côté du bâtiment se trouvent les entreprises relevant du secteur des métiers de bouche, de l’hôtellerie/restauration et celles relevant des services mais aussi de la production (industrie artisanale). L’économie de proximité est donc vaste et diversifiée et avec plus de 250 métiers, elle est complexe et multiple.

Ces entreprises ont joué un rôle d’amortisseur social et économique durant les années 2008-2010. Face à la crise, elles ont fait le dos rond, préservé la main d’œuvre mais aussi puisé dans les trésoreries. Cette situation atteint maintenant ses limites. Leur situation économique est très difficile. Les trésoreries sont exsangues et le chiffre d’affaire est en baisse constante d’environ 2% par an depuis bientôt 3 ans. Résultat : une quinzaine d’entreprises disparait chaque jour dans la région avec son cortège de licenciements, environ une trentaine, dans un silence général. Et la région Rhône-Alpes s’en tire légèrement mieux que les autres régions… !

Mais là aussi, sans entrer dans le détail, la situation est contrastée avec des entreprises, des secteurs et des territoires qui s’en sortent mieux que d’autres.

Le potentiel de l’artisanat

Malgré ces difficultés il existe un fort potentiel de rebonds. L’artisanat a toujours su s’appuyer sur ses atouts. C’est ce qui lui a permis de subsister à toutes les grandes évolutions et révolutions. Il a été donné moribond et certains ne pariaient pas sur son avenir face à la diversité de la concurrence. Mais il est toujours présent. Il l’est grâce à sa formidable capacité d’adaptation, qui est celle de chacun des chefs d’entreprise. Il l’est grâce aux valeurs qu’il porte et qu’il défend : la valeur du travail bien fait, de l’implication personnelle, de la transmission des savoirs. Il est aussi un des rares ascenseurs sociaux qui fonctionne encore, de l’apprentissage à la création ou à la reprise d’entreprise. Il est aussi un facteur de lien social en étant présent dans la quasi-totalité des communes de la région et en apportant des services et des produits locaux à la population.

Cette mosaïque de TPE, peut avoir de grands effets : dans la région, en 2014 16% de ces entreprises ont exprimé un projet d‘embauche, soit un potentiel de 15000 emplois quand même ! les entreprises de l’économie de proximité font partie des TPE par lesquelles l’emploi redémarrera.

L’adaptation aux évolutions

Pour permettre ce mouvement il faut reconnaître leur spécificité et leur importance de masse, d’autant plus qu’elles innovent et s’adaptent aux évolutions technologiques et aux nouveaux modes de consommation. Il suffit de s’intéresser par exemple, aux entreprises qui sont récompensées dans le cadre du concours ARTINOV organisé par les chambres de métiers de la région et aux trophées du patrimoine en ce qui concerne les entreprises du bâtiment récompensées par la CAPEB Rhône-Alpes.

Je ne peux pas toutes les citer mais je pense à la conception et à la fabrication d’un amortisseur révolutionnaire de motos et de voitures, à de nouvelles méthodes de conditionnement et de conservation des produits alimentaires, à des commerces dont l’agencement et l’accueil ont été complétement réorienté vers la satisfaction de la clientèle.

Le mouvement actuel ne concerne pas seulement les innovations que je pourrais qualifier de classiques. Il concerne d’autres domaines, je citerai trois exemples :

D’abord il y a un renouvellement des chefs d’entreprise, leur profil évolue. L’artisanat accueille de plus en plus de jeunes diplômés (HEC, ESSEC…), qui changent de voie rapidement après leur première expérience professionnelle. Des cadres quittent de grosses entreprises pour être indépendants et retrouver une autre valeur du travail. Ainsi près de la moitié des personnes en formation continue à l’DRAC a un projet de création ou de reprise d’une entreprise de l’économie de proximité.

Ensuite, les chefs d’entreprise adaptent leur organisation du travail. Des groupements d’entreprises se créent, occasionnels pour répondre à un appel d’offres, ou permanents pour mutualiser les coûts et offrir de meilleurs services aux clients. Ces groupements concernent bien entendu plus spécifiquement le bâtiment, mais ils existent aussi dans les autres secteurs. De nouvelles formes d’emplois et de travail sont mises en place pour permettre de bénéficier de l’expérience de salariés à temps partagé, aussi bien dans le cœur de métier que dans les tâches administratives.

Enfin, les chefs d’entreprise adaptent les innovations à la spécificité de leur métier. En s’appropriant le numérique, le magasin n’est pas mort et les entreprises de tout secteur retrouve de la compétitivité. De simples pages sur Facebook, des vitrines interactives, des réseaux d’écrans d’information, des sites Internet de vente mutualisée permettent d’augmenter leur visibilité, de satisfaire une clientèle connectée et d’augmenter leur chiffre d’affaires. Le magasin du futur, présenté lors du SIRHA 2012 par la CGAD et les métiers de bouche en lien avec l’Espace Numérique Entreprises (ENE) en est le meilleur exemple.

Un défi à réaliser

Il reste un défi majeur à relever. Il existe depuis bien longtemps, hélas dans notre pays, il concerne la valorisation de nos métiers et la place qu’ils doivent occuper dans l’orientation des jeunes !

Un grand service public de l’orientation se met en place, c’est bien ! Mais il est indispensable que nos métiers soient connus des orienteurs et de l’Education Nationale. Malgré leur rôle d’ascenseur social que j’ai déjà évoqué, nos entreprises n’ont pas vocation à accueillir plus particulièrement les jeunes « décrocheurs » de notre système éducatif, leur rôle n’est pas non plus d’être un acteur principal de lutte contre l’exclusion. Nos métiers permettent un épanouissement de la personne, il donne un sens à la valeur travail qu’il serait dommage de ne découvrir qu’après la quarantaine pour certains cadres supérieurs qui se réoriente vers une nouvelle vie professionnelle !

Le jour où l’apprentissage et où les métiers dits manuels seront considérés à leur juste place par la société française alors l’Artisanat aura définitivement acquis la juste place qui lui revient et pas seulement un succès d’estime.

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Trois encarts

L’UPA RA

L’UPA Rhône-Alpes fédère les principales confédérations représentatives de l’Artisanat. Ces confédérations sont membres fondateurs de l’UPA.

CAPEB, Confédération des Artisans des Petites Entreprises du Bâtiment

tous les métiers du bâtiment, des travaux publics et du paysage via la CNATP

CNAMS, Confédération Nationale des Artisans des Métiers de Services

taxis, esthéticiennes, coiffeurs, réparateurs automobiles, fourreurs, fleuristes, prothésistes dentaires, horlogers-bijoutiers, ameublement…

CGAD, Confédération Générale de l’Alimentation de Détail

tous les commerces alimentaires qui transforment la matière première : boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers, traiteurs, glaciers… et le secteur de l’hôtellerie-restauration. 

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Les chiffres

130 000 entreprises de proximité

436 000 actifs dont 310 000 salariés

28 000 emplois créés dans les années 2000 (3% de croissance par an)

97% des communes de la région accueillent au moins une entreprise artisanale

10 000 apprentis soit 50 % des apprentis, sont formés dans des entreprises artisanales et jusqu’à 85 % dans le Bâtiment.

 

Dysfonctionnements du RSI

Les gouvernements successifs, qui ont créé puis soutenu ce régime sans lui donner les moyens de fonctionner, portent une lourde responsabilité sur les dysfonctionnements qui empoisonnent la vie des affiliés.

La remise en ordre du RSI a été engagée, et elle prend du temps, mais elle doit être poursuivie avec la plus grande rigueur et avec le souci constant de réduire les difficultés de ses ressortissants.

Par ailleurs, l’UPA condamne les personnes qui incitent les chefs d’entreprise à se désaffilier et qui les exposent ainsi à de graves condamnations pénales. En outre, le non-paiement des cotisations reviendrait à rompre la solidarité entre les individus et entre les générations. Ne pas payer ses cotisations, c’est notamment priver les travailleurs indépendants de leurs retraites. Se désaffilier est aussi une remise en cause de l’ensemble de notre système social et non pas seulement du RSI, il s’agit alors d’un débat national.

Enfin, le Gouvernement ne peut plus éluder la question de l’assiette des cotisations. Il est indispensable de ne plus assujettir à cotisations sociales les bénéfices réinvestis dans l’entreprise qui ont vocation, à terme, à créer de l’activité et de l’emploi.

Il y a encore une forme de négligence dans ce pays vis-à-vis des travailleurs indépendants qui est absolument anormale au regard de la contribution des entreprises de proximité à la croissance et à l’emploi.

Un dialogue social qui produit du concret : une mutuelle complémentaire et un comité des œuvres sociales et culturelles

Le dialogue social entre l’UPA et les organisations représentatives des salariés est fondé sur une organisation adaptée à la spécificité des entreprises artisanales. Il n’entraine pas de contrainte dans l’entreprise car il est organisé régionalement avec une Commission Paritaire Régionale Interprofessionnelle de l’Artisanat (CPRIA). Il ne produit pas d’obligations, mais il permet de proposer des avancées sociales que le chef d’entreprise est libre de mettre en œuvre ou non.

Ainsi, la mutuelle complémentaire ARTISANTE a été spécialement négociée avec la MACIF. Elle permet au chef d’entreprise de choisir un produit labellisé par les artisans de l’UPA RA membres de la CPRIA. Noyé sous les offres et autres publicités, démarché par les différents opérateurs, le chef d’entreprise a au moins un point de repère avec ce contrat, avant d’être soumis à l’obligation de souscrire une mutuelle pour ses salariés dans quelques mois.

Le dispositif ARTI’CE, facultatif aussi, est proposé, à coût modique, pour que les chefs d’entreprise, les salariés et leurs ayants-droits bénéficient d’avantages concrets (billetterie, voyages, sports, loisirs…) identiques à ceux dont bénéficient les salariés des grosses entreprises. Ce système est un moyen parmi d’autres pour les employeurs d’attirer et de fidéliser des salariés.

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